Je me mens.
Est-ce qu’on peut aimer les morts ? bien sûr qu’on peut. Aussi vain que ça puisse être. Je continue de poursuivre un amour qui n’existe plus. Je continue d’aimer un prince qui n’est plus là pour me chuchoter ses mots tendres. Je continuerai encore de sentir ses mains sur ma peau et d’avoir son cœur près du mien. Sans doute, oui, sans doute. Je sens toujours son regard qui se pose sur moi. J’aime un mort. Depuis des années. Je l’aime toujours. C’est lui que je cherche partout depuis tout ce temps. Même si je sais que c’est voué à l’échec. Même si je ne pourrais jamais le retrouver, nulle part.
Et je me mens, je te mens, je nous mens.
Je voudrais bien croire tu sais. Mais j’ai jamais eu la foi. J’y arrive pas. T’es là à me dire tout tes mots d’amour que tu déverses au creux de mon oreille. Et ils glissent, tu vois. Je ne sais pas, ils ne font que glisser. Ils ne se faufilent pas jusqu’au fond du ventre, là où ça remue à l’intérieur, là où ça fait tellement mal et où c’est si bon à la fois. Ca ne marche pas. J’essaie, j’essaie vraiment. Mais je ne peux pas. Il y a ce mur infranchissable, ce truc que je n’arrive pas à dépasser.
Je sais que tu auras mal en me lisant ; ce n’est pas mon but. Je sais que tu lis ici, et pourtant je publie. Oui. Mais ce serait tricher, sinon. Et si je t’ai donné le lien, c’est que j’avais décidé d’en finir avec les faux-semblants. Et puis c’est chez moi ici. Même si je te laisse la clé.
Il y a tout tes mots. Il y a tout cet amour. Mais j’ai la
sensation d’étouffer. Tu me diras, tu me diras c’est le stress, c’est la
fatigue, c’est. Oui. Oui, c’est tout ça. Mais j’étouffe. Je ne veux pas
que tu me re-racontes toujours notre histoire. Je ne suis pas de celles qui
aiment s’entendre dire comme c’est beau « nous ». Nous par-ci, nous
par là. Je ne supporte pas. Plus t’en parles et moins j’aime. Plus tu en parles
et plus je me sens prise en étau dans un univers étriqué. Je n’accepte pas
d’être enfermée dans cette seule possibilité de constituer une partie de
l’entité « nous ». J’ai toujours su pourquoi je fuyais les histoires
réussies : parce que cette bulle à deux me rend nauséeuse. Je fuis cette
absence de liberté, je fuis les regards qui couvent. Je suis de celles qui ont
toujours été seules. Qui se sont pris les joies et les coups avec la même
violence de plein fouet. T’es là et t’es gentil. Oui, c’est bien, la
gentillesse. Mais j’arrive pas à m’en convaincre. Tu veux m’aider. Tu ne peux
pas. Et j’ai pas envie que tu m’aides. Parce que je suis solitaire. Parce que
je suis orgueilleuse. Parce que je veux y arriver seule. Parce que c’est
déjà trop invasif ce nous. Que j’ai besoin d’air. Qu’il me faut au moins ça. Evidemment
mes mots sont durs. Je ne sais pas comment dire. Je ne trouve pas d’autres
mots. Je me sens en cage, isolée, mal à l’aise. Et je n’aime pas écrire tout
ça. Mais il faut que ça sorte. Même si je suis fatiguée, agressive et méchante.
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