Il y a ces soirées improbables. Leurs fins, un peu scandaleuses, un peu dépassées, un peu sur le fil. On est toujours à la limite. On a des vies funambules, équilibre précaire. Mais on a toujours le choix.

Se surprendre soi même. Passer un petit coup de téléphone. Sûr que le fond des cendriers n’est pas net, sûr que t’as ce truc au fond du regard, cette douleur là. Alors simplement, je suis là. Au-delà du souvenir, ni au nom de je ne sais quelle histoire. Juste parce que toi.

Rentrer dans le jeu du charmeur de serpents qui n’a aucun intérêt. Pas de répartie, pas d’indépendance, pas d’idéaux. Gris et terne. Gonflé de certitudes. De préjugés. ‘Vous êtes drôles, les jeunes. Ou alors c’est toi.’ Concentré d’idioties, gadget entre mes mots, jouet pour mes sourires, distraction stupide. Hey mec, Genève, c’est pas en France. Concentré de perles, vraiment.

Accepter de le revoir. Lui dire ce que je pense depuis tout ce temps, lui lancer des vérités. Tu t’englues dans ton histoire. Il me dit c’est pour ça que ça n’a pas marché, nous, et je lui réponds t’enlises pas, il y en avait tant d’autres, des raisons. On est la génération qui fuit les engagements, pas vrai. Sauver nos faces. N’avoir rien oublié. Ne rien se devoir. Avoir trop appris la solitude, la distance, la froideur. Glaciale. A ta santé, à ta tendresse, à ta liberté. Tu sais, cette bouteille, je la pensais avec toi. Pour nous, quoi. En souvenir. On restera toujours ceux qui n’auront rien construit. Tu me dis tu fais pas de plans sur la comète, mais y’a pas à en faire, tu sais. T’étais fragile, ce soir. Emmêlé, ébréché, fissuré. T’étais comme un mec qui voudrait essayer encore. Qui se raccroche à ce qu’il aurait pu. Tout ça pour traîner encore un peu ton propre poids. Tu risques de t’y plaire, au fond ça manque pas de classe. Mais lâche un peu du lest toi aussi. Ca ne s’invente pas, instantanément comme ça. Tu rationalises. Tout. Systématique. Logique. On n’est pas faits pour les allers-retours. On s’entrecroise un peu trop. Tu me dis des heures et je pense mais le jour se lèvera, et toi t’es pas fait du même inévitable. Tu vis superficiel parce que tu es lâche. Je te connais trop pour que ça fonctionne encore, pas vrai.

Bien sûr que jsuis contradictoire. Cette ambivalence entre l’envie d’être désirée, d’être caressée, cocoonée, soignée, et cette nécessité d’indépendance, le rejet de toute installation trop intrusive dans ma vie. Je donne, vous me prenez. Toute entière. Tout, tout de suite. Tout l’espace, tout mon espace, tout mon oxygène. Et si y’a bien quelque chose que j’ai compris, c’est le temps. Dans tous les domaines. Alors oui, évidemment je suis une vraie fille, pleine d’incohérences.