C’est une sorte de léthargie.

Une sensation de malaise flottant, qui griffe à la surface, qui laisse des traces dont on voudrait croire encore qu’elles ne seront que superficielles.

Le temps n’a pas la même valeur partout. Le temps n’est pas identique pour chacun, question de rapport. Entre le temps, l’espace, et soi. Au centre, il parait. Toujours au centre. Avoir conscience d’être le cœur de cible de notre propre univers, comme chacun l’est du sien. Et cesser de vouloir être le milieu de tout.

Le réel, le virtuel ; la toile, tout ça n’a aucune espèce d’importance. Ce sont tous ces espaces que je vis, connectés, interconnectés, tissés ensemble, tangibles ou non, visibles ou pas. C’est mon monde home-made, qu’il soit de songes ou de matière, qu’il soit vaporeux, éphémère, solide, chaud ou froid m’importe peu. Je prends ce qui me tombe sous la main, j’en fais une boue immonde et je m’en couvre de la tête aux pieds. Je me moque bien du réel comme je me fous de l’onirique. Je crache sur le numérisé pixellisé comme sur la bêtise ambiante. Je me revêts d’immondices, et j’adore ça. On s’en fout, tout ça c’est pareil, c’est la même chose, des symboles. Le beau, le laid, le lourd, le dégueulasse, l’ordinaire. Le complexe et l’inutile.

Tous les signes sont des inventions, chaque bonheur est une hallucination nourrie d’idéaux très convaincants. On s’est toujours convaincu d’être au bon endroit, au bon moment avec un sourire niais qui t’ouvre le visage en deux. On ne s’imagine ailleurs que lorsque la roue tourne mal, quand le mécanisme grippe, quand une petite chose enraille notre système. Mais est-ce qu’il faut attendre d’aller mal pour aller mieux ? N’y a-t-il pas de vaccin contre le mal de vivre ? On s’invente toutes sortes d’aversions, d’envies, de cynismes, de joies, de désamours. On s’enlise parce que c’est bon, de se rouler dans la merde. Rien que pour se sentir revivre après, quand on s’en lave.

On devrait se coller des définitions sur le front. Ou se donner avec un mode d’emploi, une notice de montage, un guide d’utilisation. Pour moi on lirait à manipuler avec précaution, substance dangereuse. Et puis une liste d’effets secondaires longue comme trois rouleaux de papier cul ; une fois lue elle aurait au moins une seconde vie sur le trône.