Revoir leurs visages qui ont traversé ma vie, qui ont traversé mes nuits, parfois souvent, parfois pas. Il me dit au revoir, il me dit à jamais, vu que je n’ai plus de raison de revenir. Oui. A jamais. Tu sais, c’était sans doute pas le bon moment. Il y a eu cette nuit là et puis, j’étais minable. T’as bien rigolé, et t’en redemandes. Moi je crois qu’on aurait pu, tu sais, au tout début, quand on ne se connaissait presque pas, avant ce projet, avant que tu partes, quand t’étais avec ta copine coiffeuse allemande et que tu faisais des soirées à thème où j’amenais des sachets de thé. Oui, à ce moment là, peut être. Mais t’es passé à côté, ouais, t’es passé à côté, parce qu’à ce moment là, j’attendais que ça, et puis y’a eu pas mal de choses. Alors adieu, à jamais, si tu y tiens. A plus tard, sans doute. On se recroisera, je pense. Tu me dis rendez vous, 20h30, au métro, tu me dis « rendez vous, mais je sais que j’ai aucune chance, alors… ». J’t’aime bien, tu sais. So cute, avec tes yeux bleu marine derrière tes lunettes, tu me fais toujours penser à austin powers, tu sais, pas très flatteur mais quand même, t’as ce côté so, so cute.
Et puis L me dit qu’il consulte un psy. Qu’il doit régler
son rapport au père. Qu’il doit affirmer son autonomie, son individualité. J’ai
pas osé lui répondre que ça, il le réglait via son couple, quand c’était le cas,
quand c’était moi. J’ai pas osé lui dire t’avais besoin de ça, tu sais, t’étais
pas capable de t’affirmer au cœur de ton groupe, tu le faisais dans ton rapport
à l’autre. Tu t’affirmais à mes dépends, et ça fonctionnait tant que j’avais
besoin de traverser le temps comme un robot. Il le comprendra, sans doute, un
jour. Mais j’ai pas osé. Plus tard, quand il sera plus prêt. Plus tard, c’est
sur, je te dirai ça. Je te dirai que si t’es seul aujourd’hui, c’est aussi
encore pour ça.
Je me demande à quoi ça tient. A quoi ça tient, ces relations, ces rencontres, ces attachements. A quoi ça tient. Pourquoi y’a ces gens qui reviennent dans ma vie, pourquoi est ce qu’ils y restent, pourquoi est ce qu’ils y sont toujours, à croire qu’ils ne disparaitront jamais vraiment de mes réseaux. Je me demandais si un jour, si un jour il y aurait vraiment l’oubli, ou si ça resterait, indéfiniment.
Je me demandais à quoi ça rime, qu’on en soit encore là.
Qu’il y ait ces allers retours et ces jeux d’appartenance et de liberté. A quoi
ça rime quand on se donne pas de nouvelles, quand on cherche sa propre
solitude, à quoi ça rime. J’t’appelle pas parce que je ne veux pas te courir
après. Alors c’est toujours toi. Mais je sais que ça fatigue, ce rôle là, que
je te donne. Je le sais parce qu’on l’a interverti. J’te dirais rejoins moi,
rejoins moi j’ai besoin de m’endormir contre ton corps, rejoins moi j’ai vécu
une journée riche, trop riche, exaltante, épuisante, impossible. Rejoins moi.
Tourner des pages. Dire. Expliquer. Se faire comprendre, oser les doutes. Oser le flou, le mélangé, l’intuitif. Je marche à l’intuition, qu’elle me dit, elle me dit toi tu sais pas trop où tu vas, t’es intuitive. Oui. C’est ma force, je le sais, je le crois, je l’accepte. Je suis capable de théoriser, je crois. Mais ça commence toujours à l’intuition. A l’irrationnel. Je le sens, ou je ne le sens pas. Il y a quelque chose ici puisque tout mon corps tend dans cette direction. C’est intuitif, c’est pas réfléchi, même si j’essaie toujours de mettre de l’ordre.
A quoi ça tient, ça. Ces sensations. Ces avancées qu’on ne
réfléchit pas. Je note des travaux, mais je laisse juste parler la sensation.
Je suis pas capable de dire, rationnellement, ce qui fait que celui-ci est
meilleur que celui là. Je le sais, simplement. C’est bon, ou ça ne l’est pas.
Quelque chose cloche, quelque chose dérange, ou bien voilà l’équilibre, voilà,
ça fonctionne, bravo. Vous savez ces étudiants ils me surprennent. Ils me
dérangent. J’aime leur travail parce que j’y vois ma propre réussite. C’est
extrêmement narcissique, mais c’est ainsi. C’est de la sensation, ça veut dire
j’ai réussi à leur faire passer quelque chose, à leur donner goût à.
Mais je trouve pas de fin correcte, là. J'vais aller manger des crêpes. Et pas de nutella.
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