Une nuit de papotage virtuel.

Plus de 24h éveillée.

J’ai du boulot et j’parviens plus à m’y mettre. J’me dis allez, j’m’en fous qu’on soit samedi soir et que les gens normaux voient d’autres gens normaux, ce soir soirée posée, un bon diner et un ptit film. Et même pas. 30 minutes après le générique, jsuis au fond de mon lit. Quitte à ne pas bosser, autant dormir, c’est presque moins culpabilisant.

Ca te vampirise, la recherche. Te suce toute ton énergie. Tu lis utile. Tu manges en réfléchissant. Tu dors en rêvant espace public espace privé espaces ‘entre’. Ca te poursuit, partout, tout le temps. Tu fais des plans. Des plans de mémoire, des plans de projet, tu structures, tu fais des transitions, tu travailles les articulations entre chaque partie. T’essaies d’être claire. Que tout soit méthodique, logique, cohérent. Ne pas oublier en route de définir tout ce qui te parait évident, parce que c’est dans ces évidences là que se trouvent les plus gros malentendus. Et c’est comme si je portais un parasite, un truc qui se nourrit que de moi et qui m’laisse pas grand-chose d’énergie ; définir, problématiser, analyser, schématiser, comprendre, traduire, transmettre.

J’me répète de ne pas commettre cent fois les mêmes erreurs. Prendre le temps. Prendre le temps. Il va pas s’enfuir tout de suite hein, alors on peut quand même éviter de se jeter direct dans le vide.

Mais c’est mal parti, je veux dire, pour prendre le temps. J’sais pas faire ces trucs là moi. Tout ou rien, tout tout de suite. Pourtant j’m’en suis pris, des retours de manivelle. Mais y’a pas à dire, j’crois bien que ça vaut trop la peine.

Alors, dans l’intervalle, prendre le temps de mettre de l’ordre. De remettre à leur place ces rapports ambigus. Ces relations indéfinissables, tous les jpeux pas te voir sans te toucher, t’embrasser, mais on ira jamais plus loin et y’aura jamais rien de plus. Tous les types qui reviennent en m’disant j’ai des regrets, et qui ont l’air si malheureux d’avoir fait les mauvais choix que j’pourrais presque les serrer contre moi, encore. Tous ceux qui m’disaient j’devrais pas, mais c’est toi. Voilà. Remettre de l’ordre. Cesser de me diluer.

J’sais pas pourquoi j’veux tellement laisser les chances pour que ça réussisse. Et commencer par faire place nette avant de construire. Ca faisait longtemps, tellement longtemps. Faut dire que mon absent n’a pas oublié de laisser son empreinte : surtout ne jamais s’engager, s’astreindre à ne rien ressentir, être hermétique ; penser à soi d’abord, et puis vivre le reste comme un bonus. Et j’veux pas ça, j’suis pas bien sûre de l’avoir voulu un jour, non plus. Mais j’ai trouvé qu’une seule fois cette force de lui dire ça y est, c’est terminé, finie cette blague, ces allers-retours et ce jeu du chat et la souris ; finie ton absence, finis tes faux semblants.

J’veux dire, c’est comme passer sous un rouleau compresseur, une relation comme celle-là. Ca te laisse vide, mais pas plus vide qu’avant, vu qu’t’as rien partagé ; alors t’es juste un peu aplati. Et c’est pas facile, de se réinsuffler. De se redonner toutes les dimensions. De cesser de trancher toute relation possible avant même qu’elle n’ait commencé à s’épanouir un peu.

J’te laisse m’approcher parce que quelque chose est passé, à ce moment là. Quelque chose s’est passé. A la fois tout en tension et tout en douceur, j’sais pas bien comment dire ; le temps qui se dilate comme pour nous laisser un peu plus en profiter, et puis qui s’accélère jusqu’au départ. Et puis se chercher, parce que c’est allé trop vite pour avoir la présence d’esprit de penser à un ‘et après’.

Alors j’ai les yeux grands ouverts et puis le sourire généreux ; je pense déjà à toi, et c’est un peu flippant. Même si j’ai décidé de mettre les peurs au placard, cette fois.