J’lis ceux qui se sont rencontrés et je me dis que j’aurais peut être dû, moi aussi, y être, parmi eux. Y’a ceux que je lis quotidiennement, à cliquer sur un lien et à bougonner quand y’a rien de neuf. Y’a ceux qui sont au courant et ceux qui ne m’ont jamais lue, y’a tout ceux là. J’aurais aimé, je crois. Voir ce que deviennent ces tissages invisibles et intangibles, confrontés au réel.

Quant à moi je viens d’arriver. Pousser la porte de chez soi, c’est toujours un vrai bonheur. Comme retrouver un ptit bout qu’on aurait laissé derrière. J’viens d’arriver, j’ai fait du trop vite sur l’autoroute et j’entendais ma mère en voix off me dire que j’suis vraiment pas patiente, bah non maman, jsuis pas patiente, c’est comme ça. J’aime pas attendre, j’aime pas perdre mon temps, et puis si tu savais la quantité de choses encore étiquetées à faire dans tous les coins disponibles de mon cerveau, tu comprendrais peut être pourquoi. 

J’ai un diplôme à présenter, et si jusque là jfaisais ma maligne, en vrai j’ai bien peur. Avec la boule au fond du ventre et l’envie d’engueuler tout le monde, de me faire mal, de me dérober, encore, de me tailler dans la peau pour avoir mal ailleurs qu’à la portion qui dit ‘j’ai peur’ et ‘j’y arriverai pas’.

Je rentre de vacances. En réalité, j’ai surtout filé beaucoup de coups de main, fait le ménage, pointé la compta, taxi, peu dormi. L’avantage c’est qu’au moins, comme employé de maison, j’suis polyvalente.

J’suis crevée. Et là j’suis partie pour m’envoyer une semaine où je devrais être à trois endroits au même moment. Une semaine bien chargée, bien lourde, bien épuisante ; d’un côté les 1^e année, d’un autre côté le M1 d’urba, le M2 d’urba, le projet de diplôme et aussi la mention recherche côté archi. En vrai, je dis trois endroits parce que y’a des moments où trois de ces casquettes entrent en confrontation, le reste du temps ce sera que deux. J’me demande si j’vais le tirer à pile ou face. Mais quoi qu’il arrive, ça va être comme d’habitude. On se dit que c’est insurmontable. Qu’on n’y arrivera pas, qu’on s’en sortira pas vivant. Et puis finalement. Pas indemne, mais toujours là. J’vais juste y perdre quelques points de vie.

J’l’ai revu, le cuisinier. J’l’ai trouvé so cute dans cette distance. Juste, faudrait pas qu’il parle. Ni qu’il écrive. J’suis méchante, en fait quand il parle, ça va, on s’y fait. J’lui ai dit de me kidnapper mais il l’a pas fait. C’est con, j’aurais eu une bonne excuse pour éviter ma semaine contre la montre.

J’ai annulé un voyage. Moi qui rêve de partir un peu. J’ai annulé. Parce que c’était pas raisonnable, que j’ai un putain de partiel qui tombe dans ces putains de dates et que c’était pas prévu, et que ça m’emmerde. En vrai j’ai même pas le temps de partir. Juste de bosser jour et nuit sur ce projet, pour en finir une fois pour toutes. J’me sens aspirée de l’intérieur. Comme si quelqu’un m’avait planté une paille en haut du crâne, comme si on me crochetait le cerveau par les narines.

J’ferais bien mieux d’aller soigner les bestioles. J’suis plutôt douée pour ça, enfin faut dire que j’suis née là dedans ; slalomer entre les pattes d’un taureau, c’est plus facile que tenter les méandres des administrations.