J’le vois encore me dire, j’aime pas te voir partir. Et j’ai cru un instant avoir pensé tout haut, j’ai cru avoir répondu, moi non plus j’aime pas partir, parce que j’pourrais bien ne jamais revenir. J’pourrais bien ne jamais revenir, j’pourrais bien ne jamais revenir, ça résonnait, ça insistait, ça tempêtait à l’intérieur de mon crâne, j’pourrais bien ne jamais revenir.

J’ai pensé à ça, j’sais pas trop pourquoi. Ne jamais revenir. Disparaitre et hop, plus une trace, comme si je n’avais été qu’un songe. Je pensais à G. parce que finalement, c’est bien comme ça qu’il s’est enfui. Sans laisser d’adresse, juste, d’un coup, plus rien. Si y’avait pas ces lettres, j’me dirais qu’il n’a jamais existé. Si y’avait pas encore son numéro de téléphone dans mon portable, j’me dirais j’ai tout inventé ; que j’me suis fabriqué un amour imaginaire au point qu’il en soit idéal, du coup.

J’ai cette boule au ventre et j’arrive pas bien à savoir pourquoi. Peut-être parce que t’es venu sonner chez moi et que j’avais qu’une envie, t’en coller une. Et après, t’appeler pour te hurler dessus. Te crier que t’as pas le droit de toujours tout détruire, de t’infiltrer sans arrêt partout. De vouloir me sabrer mes ébauches de bonheur, avant qu’elles ne s’insinuent plus profond. Et j’suis restée dans un calme presque plat. Je m’étonne toujours de la violence de mes réactions et du contrôle que je garde malgré tout. De la façon dont ça bout à l’intérieur et du calme en façade. Y’a que la tristesse, que je laisse transpirer, parce que la tristesse, c’est pas dangereux.

Tu penses que je suis nocive et je sais déjà que c’est le cas ; mais t’es pas en train de te débarrasser de moi là. Sinon pourquoi tu sonnes à m’en faire exploser les tympans, hein ? Ne reviens jamais, je t’ai dit. Ne reviens jamais. Et ce que t’as fait hier matin, c’était plus un acte désespéré que la certitude que t’essaies de balancer par ici. Evite, s’il te plait. Evite.

J’crois pas au prince charmant, même s’il me dit t’as aucune raison d’être triste. En réalité j’ai seulement eu du mal avec quelques images, et ça n’a rien de grave, mais.

Autant en rester au simple.

Même si, il va bien falloir qu’un jour, j’fasse pire que laisser ma brosse à dents. J’arrive avec pas mal de bagages, alors bien sûr, pour moi la brosse à dents, c’est du détail.

J’me demande pourquoi t’as toujours un lien m**tic en favori. J’me demande si j’suis la fille à usage unique ou presque, juste celle jusqu’à la prochaine fois. J’sais bien que je me mets ça dans la tête juste parce que j’me sens pas assez forte intelligente belle chouette drôle pour que tu continues à vouloir me tenir la main, j’sais bien que je me mets ça dans la tête toute seule et que c’est très con, et qu’en plus, j’ai pas à savoir ce que tu fais quand j’suis pas près de toi.

Me laisse pas partir. Me laisse pas avoir peur, comme ça. Parce que quand j’ai peur, j’finis par ne pas revenir. J’regrette, mais j’reviens pas, parce que c’est toujours plus facile de partir que d’être laissée derrière, et de me trouver là comme un con, bras ballants bouche ouverte, à regarder l’autre s’échapper.

Parce que tu vois, même le sexe c’est simple, avec toi. Et que c’est tellement nouveau pour moi, qu’en réalité j’ai tout le temps envie de voir si ça sera encore une fois aussi évident que la précédente.

J’voudrais te dire, si tu me vois flancher, c’est que je doute de moi. Pas de toi, pas de nous, juste de moi. De mon aptitude au bonheur. De ma capacité à te rendre heureux. Que j’aurais une nouvelle fois mis en marche ma machine à tout saccager autour de moi, à détruire la moindre possibilité d’une île*. Ne me laisse jamais faire ça, s’il te plaît. Ne me laisse jamais faire ça. Toi et moi, c’est trop évident pour mériter ce que je suis capable de nous faire.