J’me disais, j’passe mon temps à fabriquer des mirages. Et puis quand j’en ai plus la force, ils disparaissent et on se retrouve à deux en plein désert. Alors bien sûr que c’est rude putain. Bien sûr que c’est violent, mais c’est le réel.
Un réel en pleine face.
C’est comme ça que ça se termine, alors. Faut croire que les seuls derniers mots que j’aurais trouvés cette fois c’est « t’oublies ta brosse à dents ». Ca fait très comédie romantique à la con, non ?
Mais y’a un tel mur d’incompréhensions qui s’est dressé entre nous. J’essaie de lui dire que je vais mal. Que je vis une fatigue chronique. Que c’est une maladie et que ça porte un nom, burnout, syndrome d’épuisement professionnel, que mon médecin généraliste l’a diagnostiqué, que. Que ça n’a rien à voir avec lui ou avec nous. Mais. Entêté. Buté. Alors j’sais plus quoi dire. J’ai rien à ajouter. Quand j’lui parle des efforts et des bons moments qu’ils ont permis, il me dit qu’il voit pas de quoi je parle. Alors, ça doit pas être assez.
Mon absent me dit tu passes tellement ton temps à y croire que tu laisses plus de place à l’autre pour exister. Moi j’ai seulement la sensation de vivre dans un univers imaginaire. Dans un monde d’illusions. Mais ‘le vrai est un moment du fake’ [Guy Debors]. Alors. Tout ça était bien vrai, puisque je l’ai imaginé. Ouais, tout ça, c’était bien vrai. Et le temps s’écoule.
Et j’ai le goût acide du vertige, comme une grosse boule étouffante dans le fond de la gorge. Il me dit ça n’a que l’illusion du goût de la liberté ; alors bien sûr, je ne suis libre ni du poids de mon corps ni de celui de mes souvenirs. Je ne tutoierai la mort que quand le moment sera venu.
Je ne suis libre que de rêver encore. De fabriquer d’autres mirages. Même si je me sens vide et seule, et terne encore. Je vais à nouveau m’enrouler dans une joie désertique, et tout sera réel, puisque je l’aurais inventé. Et tout sera réel, et multiple, diffracté. Parce que personne, personne ne peut enfermer quelqu’un dans un seul rêve.
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