Alors voilà ce qui se passe. J’me noie et j’ai aucune envie de remonter à la surface. Ce qui se passe, c’est que j’me noie et que j’fais au moins semblant d’aimer ça. La vie est une tartine de merde qu’on doit avaler avec le sourire, pas vrai.
Hier j’ai bu quelques bières et puis j’ai appelé P, j’avais des trucs à récupérer chez lui. Je me suis imaginé cinquante scénarii de ce qu’on pourrait bien se dire et puis, finalement, j’suis passée qu’en coup de vent. Il était là à me demander comment ça allait et tout ce que j’aurais pu répondre c’est que non, ça va pas, alors j’ai dit j’crois que j’dois rentrer chez moi. J’suis rentrée, ai ouvert une autre bière et d’autres ensuite, et puis. J’me rappelle pas, après. Il semble que je l’ai appelé, mais j’me souviens pas.
J’ai parlé avec Y et il me dit tu connais très bien ma position là-dessus, et j’lui ai seulement dit que j’ai rencontré une seule fois la bonne personne et qu’il est mort, et qu’après ça hypothèque pas mal l’avenir. J’lui ai dit et puis après tu te retrouves violée et enceinte et c’est encore pire, alors finalement. Finalement j’suis angoissée à l’idée de dormir seule et pourtant j’ai toujours dû faire face, seule, et j’supporte pas qu’on m’aide. Alors finalement.
J’ai appelé des gens pour un apéro et puis j’y suis pas allée, juste parce que je me sentais pas de socialiser, parler de tout et de rien comme si tout allait bien ; alors que c’est loin d’être le cas. J’me lève le matin et j’commence par avoir envie de boire une bière pour chasser les effets de celles de la veille, et puis. Y’a des matins où j’me contrôle et où j’me dis que c’est pas une solution, et que j’ai pas à perdre pieds comme ça.
Il m’a dit on aurait pu parler, mais parler de quoi, du fait que je sois une salope ou une trainée, j’sais pas bien, j’le sens moyen le dialogue mec. Le garçon virtuel a laissé des messages, aussi. Mais j’crois que j’fais mieux de rester seule, j’ai un peu envie d’aller me faire casser la gueule histoire d’avoir mal là où j’pourrais me soigner, juste pour faire passer l’autre douleur, là, celle qu’on anesthésie à coup de malbouffe et d’alcool.
J’crois pas qu’il se rende compte de ce qu’il a fait de moi, j’crois pas qu’il se rende compte qu’il a foutu en l’air autant d’années de travail sur moi-même, tout ce temps passé à accepter mon histoire, à aller de l’avant, et lui qui crache sur tout ça en m’accusant de draguer n’importe qui, qui me fait comprendre qu’il ne m’a jamais fait confiance, ce genre de trucs. Et d’un coup j’voudrais pouvoir faire taire tous ces souvenirs qui remontent, tu sais le souvenir du type qui te traite de salope pendant qu’il te baise alors que tu te débats, tu sais, ce souvenir là. Juste ces images là, et puis la douleur, et puis l’hôpital, et puis les mensonges pour expliquer aux parents pourquoi tu as été hospitalisée. Oui. Tout ça.
J’pense pas qu’il se rende compte de ce qu’il a dit, de ce qu’il a fait, de mon incapacité à me reconstruire, encore.
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