La lune est magnifique ce soir, imparfaitement pleine, et ça m’a fait penser à l’avenir, aux possibles, aux cycles qui se répètent, toujours identiques et pourtant infiniment différents. J’ai pensé à la vie, à la mort, on m’annonce qu’elle a un cancer et qu’elle n’en a plus pour longtemps à vivre, et je pense à la vie qu’elle a eue et aux regrets qu’elle doit ressentir, au temps qu’elle a pour voir venir et c’est comme si on lui avait mis un minuteur à cuire les oeufs, et même si je dis que ça m’est égal je sais bien que ça me touche. Je n’ai connu que la mort brutale de mon amoureux et puis celle de mon arrière grand père, j’me souviens à l’époque j’étais toute gosse et gravement malade, et j’disais à ma mère mais t’inquiète pas maman, si je meurs je le rejoindrais, et arrête de pleurer il n’aimerait pas savoir que tu pleures.
Je me disais c’est toujours aux pires moments qu’on choisit de laisser les rancœurs de côté, comme si on se pourrissait la gueule juste par excès d’amour et d’ennui, juste pour s’occuper l’existence, comme si on n’avait rien de mieux à faire.
Je me disais moi j’ai toujours le sourire, tu vois, même un jour comme aujourd’hui je regarde le ciel et je souris, simplement parce que. Parce que l’odeur portée par le vent qui m’emmène tout à coup au bord de l’océan, cette brise légère le matin, fraîche et humide, l’odeur de l’iode et la peau salée. Le souvenir de cette nuit passée à pleurer dans les bras l’un de l’autre et puis à sortir en courant sonner à toutes les portes de la ville, à s’arrêter enfin au petit matin, sur le muret face à l’océan. Je souris parce que si j’ai pas devant moi un idéal de vie tout tracé, j’ai des idéaux plein la tête pour tracer ma propre route ; je souris parce que je me rappelle les traits de son visage et ses bras et son ventre, alors que ce souvenir parfois m’échappe ; je souris parce que je me rappelle ce petit déjeuner qu’il m’avait apporté au lit avec un bouquet de roses, mon premier bouquet, et c’était. Et pourtant j’déteste déjeuner au lit, mais il était tellement attentionné.
Je pensais à mon idéal, si j’en avais un, si j’avais un idéal du type avec qui le poursuivre, je sais pas trop à quoi il ressemblerait. J’rassemble des instantanés délicieux, des fragments d’interminables, des infimes infinis, et ça n’a peut être alors aucune importance. On peut pas ressentir avec objectivité, c’est seulement quand ça se termine que l’on ouvre les yeux, et alors ça n’a plus aucun intérêt en soi, puisque ce qui compte c’est ce qui s’est passé - avant.
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