J’aime les plans B. P’t’être plus que les plans du début, j’veux dire, y’a quelque chose d’impossible là dedans, cette improbabilité, qui rend les choses aussi inévitables que délicieuses. Un coup de téléphone, vendu on va au lac, et c’était chouette, et après on a parlé, il m’a parlé de projets d’avenir et on a aussi parlé du passé, des déboires, et j’me disais j’veux cette vie, ces projets là, j’me sens à l’aise avec eux, et j’aurais bien aimé qu’on m’apprenne à moi aussi. J’me disais j’veux bien me projeter avec quelqu’un comme lui, et pourtant j’pensais si j’avais pas rencontré mon absent avant j’aurais jamais pu rencontrer ce garçon là, pas qu’ils se connaissent mais juste, une question de regard sur le monde. J’me disais aussi il ressemble étrangement à Grégoire, et ça me fait flipper, j’ai pensé ça veut dire que Greg il aurait eu bientôt 25 ans, ça fait 7 ans qu’il est mort cet été. C’est long, 7 ans. Il porte en lui cette ambivalence entre le rationnel objectif et sa manière de profiter, la gourmandise et la générosité ; ce côté à la fois un peu dingue et complètement ancré dans le réel, et vraiment, ça me fait peur qu’il lui ressemble autant, parce que je ne peux pas m’empêcher de penser si Grégoire était encore en vie, il en serait sûrement là lui aussi.

Ouais. Vraiment, y’a quelque chose là, qui nous dépasse, et qui peut nous rendre meilleurs l’un et l’autre, et c’est ça qui compte. Et pourtant on a tout le temps devant nous, j’veux dire, y’a pas cet empressement à se sauter dessus et j’trouve ça doux, et p’t’être même carrément plus intense, pour le coup. Ouais, pour une fois, prendre le temps.