Brusquement il m’a demandé depuis combien de temps j’étais célibataire avant lui. Et ça a été le gros trou noir, impossible de me souvenir, j’étais avec quelqu’un je crois mais qui. Comment on dit ça à son amoureux quand lui n’a été qu’avec approximativement une seule autre. Comment. Je me suis sentie minable et sale, je me suis sentie moche ; j’ai répondu un truc dont j’me rappelle même pas et détourné la conversation.

On a poursuivi la soirée, juste nous, après des heures dans le froid, un repas au resto, un bain, et on a encore oublié cette fameuse bouteille de champ’.

Et puis il y avait ces gens à côté de nous qui parlaient d’une fille qui a été violée, qui balançaient toutes ces débiles banalités et ces putains d’écoeurants « elle l’a bien cherché, bien fait pour elle ».

J’imagine que ça aurait été l’occasion d’en parler, de lui parler de moi, de lui balancer mon histoire, et puis comme d’habitude je me suis dégonflée, parce que. J’me dis je devrais lui écrire et puis j’me retiens de le faire, parce que je pense qu’on devrait entamer ces conversations, toutes ces conversations qu’on devrait avoir. Parler du passé, de nos passés. Même si souvent, j’ai envie de répondre qu’il n’y avait rien, avant lui.

J’voudrais pouvoir tout recommencer. Ne pas être qui je suis. Ne pas avoir fait autant d’erreurs. Ne pas avoir laissé tant de mains se poser sur ma peau. J’étais perdue. Je me sentais laide et dans leurs regards j’étais désirable. Et je n’avais plus rien à perdre. J’voudrais que tout ça n’ait jamais existé. J’voudrais pouvoir en parler sans avoir peur. Expliquer, même si bien sûr rien n’est une excuse.

Parce que ouais, carrément qu’il compte. Et j’me sens tellement, tellement sale.