On dirait que ça va de mal en pis. On s’est vus et puis on s’est quittés sans se retenir, on n’a ni fait l’amour ni parlé du problème, on a fait deux soirées chacun de notre côté et puis. On s’était donné rendez-vous dans un bar, et sur le chemin pour l’y rejoindre un type m’a cherché des noises, du genre coup d’boule et ambiance ’j’en ai rien à foutre je suis fou’. Alors j’finis par arriver et puis, il n’y était pas.  Il n’y était pas.

J’l’appelle, il me dit qu’il a bougé, encore tremblante de l’altercation avec l’autre j’lui raccroche au nez et j’rentre ; j’rentre parce que son coloc m’a filé la clé, et que j’ai pas vraiment d’autre endroit où aller. J’rentre et puis à chaque pas j’me demande si j’ferais pas mieux de prendre ma voiture et d’rentrer chez moi. Une fois arrivée je cherche mes clés de voiture, de maison, rassemble mes affaires, envoie un texto à ma pote, qui m’fait promettre de pas partir ce soir parce que ça s’rait pas raisonnable, et que si j’veux elle me fait un ptit lit chez elle. Alors j’lui dis ok, j’pars pas, et j’réfléchis à dormir dans le canapé, prendre mon duvet, dormir ailleurs. Et puis finalement j’me couche sous sa couette, dans son lit.

Il est rentré plus tard en disant qu’il était saoul, j’lui dis dans mon sommeil j’me suis fait agresser pour te rejoindre et t’étais pas là, t’étais pas là. Le lendemain réveil glacial, j’pense qu’à me tirer d’ici, rentrer chez moi, faire le point, me rendre à nouveau compte que j’serai toujours seule, qu’on l’est tout le temps, peu importe la situation. J’finis par partir aux alentours de midi, j’pars alors que j’ai pas d’obligations, pas d’impératifs, mais il fallait que j’m’en aille.

Dans la soirée il m’appelle, me raconte son aprem, me demande si j’fais la gueule ou si il y a quelque chose, et tout ce que je peux répondre c’est qu’il était pas là, il me dit que c’était pas sa faute ce qui m’est arrivé, j’lui rétorque qu’il avait pas prévenu qu’il changeait d’endroit, que j’me fais agresser pour aller là où il n’est plus, que j’me retrouve seule et mal dans un bar bondé où j’connais personne et qu’à ce moment là, j’suis vraiment pas au top, et que, si, je lui en veux.

J’voudrais avoir encore des étoiles dans les yeux quand je l’entends me parler de ses projets mais j’vois juste qu’il passe son temps à le perdre ; qu’il est pas organisé, qu’il sait pas hiérarchiser les priorités, et qu’il ressasse toujours la même « to do list », alors j’me demande si des fois il avance dessus, malgré que je le voie passer des heures à travailler. J’voudrais comprendre pourquoi il commence plein de choses sans les finir, et il me fait un peu penser à mon père, dans son genre. "J'devrais passer l'aspirateur mais il est cassé, donc pour faire le ménage qui est pourtant un peu urgent, j'pense d'abord à acheter un nouvel aspirateur. Parce que passer le balai ça sert à rien..."

J’voudrais savoir combien de nanas en couple se retrouvent à monter leur lit seules. J’voudrais savoir combien de nanas en couple ont la sensation que leur mec ne fera rien pour elles si elles se font agresser dans la rue. J’me demande combien de nanas en couple ont l’impression de ne pouvoir compter que sur elles-mêmes. J’me demande combien de nanas en couple…

J’fais des efforts pour communiquer sur nos problèmes et sur l’absence de sexe et de désir entre nous. Mais visiblement ça n’a aucun intérêt. J’ai pas de désir parce que j’ai jamais pris de plaisir avec lui, c’est quand même grave, ça, dans un couple, j’crois, et j’pense que ça serait bien d’en parler. On dirait bien que non.

J’aurais p’t’être dû prendre ma voiture et partir, finalement.