Je me demandais ce qui faisait qu’à un moment, on se sentait chez soi quelque part. Voilà, il y a peu je pouvais encore dire c’est ma ville, c’est ma ville parce que j’en connais chaque recoin, chaque odeur, chaque perspective. Et puis j’y suis revenue et je ne me suis plus sentie chez moi.
Je sais maintenant que j’ai besoin d’un port d’attache. D’un endroit que je sais être « chez moi », d’un endroit qui me ressemble et où je peux entasser du souvenir. D’un lieu qui m’attende, immuable, pendant que je m’en vais me changer mon monde, pour pouvoir revenir y planter mes nouvelles découvertes.
J’ai été accueillie dans une maison du bonheur, sorte de communauté hippie où on trouve plus d’une dizaine de brosses à dents dans la salle de bains. J’me suis demandée combien de personnes habitaient là « en vrai », et j’pense que finalement, y’a pas de réponse à ça. Y’a eu des grosses bouffes et des sourires, et puis la fatigue en boomerang. J’ai partagé son lit, rappel d’un temps passé qui ne sera plus ; j’l’ai entendu dire « ma meuf » en parlant de sa petite amoureuse, et j’ai pensé qu’il était peut être enfin guéri de sa propre histoire. Il m’a dit t’as des attitudes de bourge quand j’ai pris ma salade avec les doigts, et c’est vrai que j’ai jamais fait partie de leur monde. J’ai jamais cru que pour vivre en harmonie il fallait forcément porter des fringues de récup’ et manger bio. Mais clairement, on est tous bourrés de contradictions..
C’est drôle de voir comment mon absent est en devenir. J’préférais ce qu’il était : une multitude de possibles à venir, que ce qu’il est en chemin d’être. On se met tous plus ou moins des œillères dans la direction qu’on a décidé être la nôtre, après tout. Et sans doute que c’est tant mieux, si l’attraction qu’il y avait entre nous cesse.
Il m’a demandé si j’avais un amant depuis A., j’lui ai
répondu vague et j’sais bien qu’il me connaît suffisamment pour connaître la
réponse. J’aurais dû lui dire j’en ai plein, t’imagine même pas.
J’aurais voulu lui dire t’as l’air doux et c’est gentil, de faire le taxi. J’ai pensé à lui comme on convoque un souvenir d’été un jour de pluie. J’ai pensé que j’aurais aimé apprendre à danser parce que c’est cultiver la distance et apprivoiser le désir dans la sensualité. J’ai pensé je veux jouer mais pas Jouer, j’veux d’une relation sans relation, j’veux me coller à lui et puis disparaître, j’veux pas qu’on s’appartienne ; mais pour autant j’aime le souvenir de ses mains sur ma peau.
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J'ai beaucoup aimé "J'ai pensé à lui comme on convoque un souvenir d'été un jour de pluie."