Il y a quelque chose de tellement doux dans l’absence, finalement. Quand on n’attend rien et tout à la fois, qu’on se trouve simplement là, sur le fil à deux temps de tomber dans le vide. Bien sûr que je pense à lui, et je me délecte de tous les devenirs possibles devant lesquels on se trouve encore.
Je pense que je n’existe que dans ces embryons d’histoires, que je ne voudrais vivre que ces instants là où rien n’est achevé, décidé, acté, où l’on se trouve délicieusement balancé d’un futur à l’autre. Je passe en un instant à l’envie de n’être rien pour lui à celle d’être tout, et son image supporte mille et une vies que je m’invente, avec ou sans lui.
Bien sûr que je pense à lui, à ce baiser volé dans un hall de gare, à cette nuit sans fin, à celles qui suivront. Je repense à mes doigts courant sur sa peau et à ses mains qui recouvrent à elles seules tout mon dos ; je pense à son sourire et je réinvente le moment passé ici, je me vois tour à tour hautaine et distante, coquine et tendre, amicale et enjouée, et je me passe le film de toutes les scènes qui auraient pu avoir lieu. Dans la réalité j’ai seulement été très sage et réservée, même si dans mes méandres je préfère toujours le moment où je lui saute dessus et où on fait l’amour jusqu’à rater mon train.
Je crois qu’il n’y a que dans ces latences que je peux me projeter, et c’est finalement dangereux et exaltant que ça soit la règle de notre ‘relation’. Quand j’me la joue midinette je le réentends dire « mais si, c’est nous ça » et forcément, quand j’entends un nous que je n’ai pas entendu depuis des années… ces trois fois rien sont mignons.
Je me surprends à me lever avec le sourire, à partir au boulot avec le sourire, à sentir le sourire revenir au milieu d’un n’importe quand ; je pense que c’est rare, de donner autant le sourire à quelqu’un, et rien que pour ça son image continue de courir derrière le mystère de mes sourires inopinés.
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