Je les entendais parler d’indépendance. Trois ptites nanas, qui parlaient de séparations et de divorces parentaux, et qui disaient mais moi tout ce que j’en retiens c’est que je dois toujours être indépendante, garder mon autonomie, être libre de partir ou rester. Ca doit être notre génération qui veut ça, cette sacro-sainte indépendance, liberté, autonomie. P’t’être bien que ça devrait être notre nouveau « liberté égalité fraternité ».
Et puis ma grand-mère qui me demande si j’ai un petit copain. J’lui réponds que non, que j’ai le temps, enfin surtout que je ne l’ai pas ces temps-ci, et que j’suis difficile ; alors elle me dit mais pourquoi être facile ? tu fais bien, pas besoin d’être mariée à 23, 24 ou 25 ans tu sais. Et puis des cons on en trouve à la pelle, alors surtout, si t’es pas bien avec un type, tu le jettes et puis c’est tout. Ok grand-mère, j’retiens ton conseil.
Alors j’ai aussi croisé ce vieux monsieur avec une casquette déglinguée, brodée en lettres dorées d’un impossible « mauritius ». J’ai souri, j’ai presque ri là toute seule dans l’métro, j’me suis dit tu viens jusqu’ici le dimanche matin pour me surprendre. J’y peux rien si je pense à toi, tu vois, c’est toi qui viens jusqu’à moi.
Pour moi, c’est ambiance mini-short, tongs et petit haut. J’suis presque en mode vacances alors que quand j’rentre chez moi j’ai toujours ce plan étalé sur ma table basse, aut*c*d installé sur mon pc, mais j’suis plutôt heureuse. J’aime toujours autant ce que je fais. Et puis, c’est un joli projet. J’essaie quand même de bronzer un peu, tu vois, parce que c’est déprimant d’être couleur cachet d’aspirine au premier juillet. Du coup, j’triche un peu, c’est sympa les autobronzants, et d’un coup t’as l’impression de revenir d’un week end à la plage : il en faut peu pour me filer le sourire.
J’ai fait le marché et y’avait tous ces couples qui se baladaient, et j’me suis demandé si on aurait été comme eux. Tu vois, j’viens de me rendre compte qu’on n’a même pas passé un week end ensemble. Ou p’t’être bien que je l’avais déjà noté, mais ça m’est revenu en pleine face ce matin. J’sais pas si t’es plutôt grasse mat’ ou lève tôt du marché, j’sais pas si t’es plutôt pique nique au parc ou… J’en sais rien, moi j’suis un jour l’un un jour l’autre, j’apprécie les deux, lézarder dans l’herbe avec un bon bouquin, me caler en terrasse... manger des glaces.
Bon, donc j’ai été retenue pour la thèse, enfin retenue pour un second tour, ça veut dire c’est pas mal mais on veut en voir plus, genre « je relance pour voir ». J’réfléchis à ce que je vais leur dire et j’me dis que j’veux pas faire une présentation p*werp*int à la noix, j’veux juste y aller, avec quelques notes sur ce que je ne dois pas oublier de leur dire, préciser mes intentions, au-delà du sujet lui-même, parler de ma façon d’envisager la recherche en architecture. Parce que voilà, j’veux que ça soit un dialogue. P’t’être bien qu’ils vont m’évaluer, mais moi aussi j’vais les évaluer, les observer, voir un peu si j’me sentirais suffisamment à ma place parmi eux pour y passer trois ans de ma vie. Ouais, c’est un test, un test dans les deux sens. Alors j’vais le jouer comme je suis, simplement, naturellement ; j’veux pas leur mentir, faire semblant, j’vais pas leur dire que ça a toujours été mon rêve, j’vais pas leur balancer du bachotage à la con, mais juste dire j’aime mon boulot, j’aime ce que je fais, mais j’aimerais apprendre davantage, avoir l’opportunité de comprendre mieux certains mécanismes, expliciter des fonctionnements… Et permettre, peut être, à l’aide de quelques projets exemplaires, de dégager un mode de faire qui ouvre l’occasion d’une bonne architecture. Je vais pas faire le projet, je veux juste comprendre comment il a été possible. Parce que moi, ce qui m’intéresse, c’est tout l’amont. Les montages financiers, les intentions politiques, les portages par les services techniques, les opportunités et les occasions qui se sont créées à la rencontre de ces personnes. Les concessions qu’ils ont dû faire, les compromis – sans la compromission – et la force et le temps qui leur a fallu. Voilà.
J’imagine que la trame est un peu posée, même si y’aurait encore beaucoup à dire. Mais là, je vais aller m’installer à la terrasse d’un café, et boucler un peu tout ça.
Hier j’ai passé quasiment la journée avec mon ex et puis, j’sais pas. Il est toujours aussi insistant, toujours à me frôler, toujours à chercher le moindre contact. J’avais refusé qu’il passe la veille au soir, parce que la dernière fois il avait dormi chez moi ; alors j’lui ai amené sa revue-prétexte tôt le matin et j’pensais repartir, mais c’est pas facile de toujours s’astreindre à la solitude. On est allés au parc, j’ai maintenu de bonnes distances, c’est qu’il me met mal à l’aise. Et plus on « devient », plus je suis certaine que c’est impossible. Parce que ce sont les prémisses de ce qu’il est aujourd’hui qui m’ont fait partir à l’époque et que, c’est ce côté de lui qui a pris le dessus maintenant. Non, définitivement, je ne pourrais pas l’aimer à nouveau. Je ne pourrais pas ne serait-ce que m’imaginer avec lui. Si je craque, ça ne serait qu’au confort de serrer mon corps contre un autre. Mais je sais déjà qu’il ne se passera plus jamais rien.
Même mon ourson guimauve a plus de peps, alors c’est dire. On verra, j’me laisse un pourquoi pas. Mais c’est toi qui remplis mes pensées, c’est à toi que je pense, à toi que je souris, à toi que j’ai envie d’être jolie. Même si tu ne me vois pas, même si tu n’es pas là, même si il y a cette probabilité qu’on ne se revoie même jamais.
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