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Au milieu d'un long hiver
 

Je pensais à ce que j'écrirai une fois de retour. Les mots qui s'alignent et s'enchainent, et se suivent, à l'intérieur de mon cerveau liquéfié, qui se racontent des histoires, qui me racontent ; des mots qui viennent s'entrechoquer et qui me maintiennent à fleur d'air, juste comme ça, juste comme ça.

 

J'me disais, la grande histoire, elle a besoin d'un début. J'me disais que ca commencerait comme un vieux roman, ça commencerait comme ça, comme un long hiver qui s'étire jusqu'aux fleurs de l'été.

 

Ca commencerait avec le froid, la brise glacée qui vient t'assécher les paupières, avec les larmes qui se fraient un chemin jusque sur tes lèvres après avoir parcouru tes joues de sillons gelés. Ca commencerait comme une pluie diluvienne, le jean trempé jusqu'au genoux, l'humidité jusque sous les pores. Ca commencerait comme la tristesse d'un puits sans fond, l'écho qui s'étend jusqu'au silence ; ça commencerait comme une mer sans mouvement, ennuyeuse à faire peur. Ca commencerait comme un trop long hiver.

 

 

 

Et puis ses mains, ses mains pleines d'expression. ses mains qui s'activent et se meuvent comme douées de leur propre volonté, comme animées de malice et de jeu. Ses mains, comme une éclaircie au milieu d'un novembre qui n'en finit pas. Ses mains danseuses, joueuses, ses mains comme une prophétie de la tempête à venir.

 

Ses mains, comme si je les avais déjà rencontrées, comme si elles connaissaient déjà tout de ma peau, de ma joie, de mes errements, et ces mains là je les vois qui s'animent sans jamais vraiment s'arrêter, comme si elles n'avaient pas de temps pour l'immobilité, comme si elles n'avaient que leur empressement au milieu de cet hiver fané. Des mains comme si je n'en avais jamais vu auparavant, toutes en tension, toutes en finesses. Des mains qui parlent plus qu'un long discours, qui en disent plus long par leur gymnastique étrange que tous les mots du monde.

 

Ses mains comme un prélude à la tempête, comme un présage à l'ouragan qui va traverser ton existence, ses mains comme un arc en ciel avant l'éclaircie.

 

 

 

Comme si de l'autre côté du miroir, après l'avoir troublé, on ne trouvait que ses mains qui dansent et racontent l'histoire du monde, cette histoire que l'on connait déjà, bien au fond du coeur. Cette histoire dont chacun de nous se fait l'interprète, elle était jouée là devant moi, ses mains me jouaient mon histoire et là tout d'un coup je réalisais que cette histoire, c'est celle du monde. Que nous interprétons tous chacun différemment, chacun dans des rythmes différents, chacun autrement. Mais ça n'est toujours que la même chose joué de mille manières, et ses mains me révélaient ce secret plus grand que ma propre vie.

 

 

 

Il y avait ses mains, la chaleur du contact quand je les ai effleurées une fois, puis une autre. Il y avait ses mains là que je connaissais déjà, son histoire que je connaissais déjà, son corps que je connaissais déjà. Comme si tout, à l'instar de ses mains bouillonnantes, comme si tout avait déjà été mien, comme si j'avais déjà tout appris, ce corps, sa langue, ses propres entraves. Je lui ai dit que j'étais curieuse et impatiente, curieuse et impatiente que ses mains me reconnaissent comme je les ai reconnues. Parfois la certitude de déjà s'appartenir est plus forte que toute la raison du monde ; il y avait tout ça d'irréfléchi, appelez ça une impulsion, appelez ça comme vous voudrez, mais c'était bien plus. Cette certitude de se connaitre déjà, d'un passé bien plus lointain que toutes nos petites vies quotidiennes et banales. C'était fort et tenace, et la multitude de souvenirs non-vécus ici qui pourtant se mêlent à ceux que l'on sait "réels". Ses mains, son corps, ses incertitudes et ses faiblesses, c'est déjà dans mes souvenirs, c'est comme si je l'avais déjà connu un millions d'années auparavant, c'est comme si dans l'instant fugace tous ces souvenirs étaient venus habiter ma mémoire, comme des moments oubliés qui tout à coup vous reviennent, comme un rêve dont on ne se souvient pas au réveil mais qui se rappelle à nous, déclenché par un mot, un regard, une odeur.

 

Ses mains, là, ses mains dans toute leur agitation tandis que tout son visage se voulait calme, et la douceur latente qu'on sent derrière le masque. Tout ça, c'est comme si je le savais déjà, et ses mains, là, ses mains qui ne s'arrêtaient pas de danser au milieu du monde, ses mains, c'était une éclaircie au milieu d'un long hiver.

 

 

 

 

 

 

 
Ecrit par Perfect-plank, le Mercredi 22 Mai 2013, 23:34 dans la rubrique Actualités.

Commentaires :

Anonyme
23-09-14 à 01:54

"Nous avons tous là un petit temple où nous abritons religieusement toutes nos idoles, croyances, rêves, affections. Elles sont là, debout, en équilibre, chacune sur son piédestal... Fiers de ce doux fardeau, nous marchons dans la vie comme ces mouleurs italiens qui traversent les rues, des plâtres dans les mains, sous chaque bras, sur la tête... Hélas ! un caillou sous le pied, le coude d'un passant, un rien suffit pour mettre en pièces tous ces beaux petits dieux ! Rarement, le pauvre mouleur rentre chez lui son étalage au complet ; plus rarement encore nous arrivons au terme de notre vie avec toutes nos idoles."

Daudet Alphonse

 


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