J’aime le bleu du ciel ici quand il fait beau l’hiver. J’aime les longs poils de mon chat. J’aime regarder quand rien ne bouge. J’aime les devantures des fleuristes, surtout les lys blancs. J’aime les petites vieilles aux passages cloutés, j’aime les étalages de marché et l’odeur bizarre de sa montée d’escalier. J’aime la fenêtre avec cette lumière rouge que je vois de chez moi la nuit, j’aime l’odeur du café le matin, j’aime les bibliothèques quand elles sont bondées, j’aime conduire en ville quand tout le monde s’énerve, j’aime vagabonder dans des librairies, j’aime bosser toute la nuit, j’aime la colle scotch verte, j’aime voir les femmes qui attendent au coin de la rue quand je rentre de soirée, j’aime la rue bizarre de l’erotic shop bleu, et puis surtout, j’aime marcher dans les rues pavées quand l’accordéoniste me dit bonjour.
Et puis j’aime pas quand mon chat vole, j’aime pas quand il y a du vent, j’aime pas quand les gens me poussent, j’aime pas le tram aux heures de pointe, j’aime pas me lever tard et perdre ma journée, j’aime pas les trucs qui passent à la télé, j’aime pas les gens qui se plaignent, j’aime pas déplacer mes maquettes d’un bout à l’autre de la ville.
J’ai peur. Je suis terrorisée. Dès que je perds le contrôle, dès que je ne peux plus assurer, dès que les choses cessent d’être du badinage pour poser vraiment question. Les rêves n’ont pas de sens – et pourtant. S’abandonner, baisser la garde, lâcher les armes, et puis… Et puis quoi, se laisser porter par le souffle du songe ? Croire que tout est possible, cela suffit à ce que tout le devienne ?
Chercher à faire taire… Ma conscience, mon inconscient, je ne sais, mais faire taire, comme pour se libérer du joug des possibles pour les dépasser. Faire taire, réduire au silence tout ce qui a pu me blesser jusqu’à lors, éteindre la voix de ce type qui continue de me poursuivre par delà le temps, arrêter de... De quoi ?
Arrêter de fuir ? Arrêter de vouloir et puis de m’enfermer à nouveau ? Arrêter, stop, pfuit, non, cette fois, c’est trop. Trop, trop fort, trop vite, trop tôt. J’ai pas le temps de rationaliser, pas le temps de calculer, pas le temps de réinventer. Parce que la fin de l’histoire, c’est peut être pas moi qui la raconterai.
Je vais (encore) être en retard. Mais j’arrive pas à…contenir mes mots, même s’ils sont inutiles – même s’ils n’ont, eux non plus, aucun sens. Et puis : envie d’un thé, brownie pas cuit, alors les gars, si vous voulez un dessert, faudra attendre.
J’aurais peut être dû – y aller. Ouais. Peut être. Ca aurait pu être bien, les quais de gare : j’ai toujours adoré ça ; et les voyages en train aussi, même à contresens. Même au-delà du sens, même par-delà la raison… Sur-railler la réalité et puis la sublimer en vivant l’impossible. Ouais. Ouais, tout ça.
J’aurais pu plonger. Sauter à l’élastique sans élastique, me jeter dans le vide et hurler au monde que je suis libre. Mais : « La liberté est un concept que le rêve humain alimente. », n’est ce pas. Et je me suis moi-même fixé mes attaches, les boulets à mes pieds, c’est moi qui me les suis imposés.
J’aurais pu, j’aurais dû, j’aurais aimé. Putain quand est-ce que j’arrête d’avoir des regrets, quand est-ce que j’arrête de réfléchir, quand est-ce que je me mets à vivre ?
Jvoulais juste avoir les yeux qui pétillent. Et puis écrire des mots avec des magnets sur un frigo, même si j’en ai pas (de magnets, hein, pas de frigo). Filer à l’anglaise, me défiler, m’échapper, me sauver – lancer les dés, tomber sur le « se tirer d’ici » et jouer le jeu.
J’aurais voulu être Clémentine et lui faire une crise en bleu, être un agent orange ou mener la révolution verte. J’aurais aimé me réveiller un matin en sachant que j’avais fait la plus grosse erreur de ma vie – effacer l’homme que j’aime, renier mes souvenirs, balancer le passé au vide ordure. Et puis naviguer dans ces bribes pour sauver ce qui peut l’être encore. Mais j’ai personne à effacer, rien à sauver sinon ma propre expérience.
On n’a pas de souvenirs, on n’a rien (dé)construit, on n’a pas de passé. Allez viens, on s’en invente un : on n’a qu’à se raconter des histoires, on n’a qu’à s’imaginer des engueulades et des réconciliations, on n’a qu’à faire comme si…
On dirait que jsuis juste en retard, hein… ?
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