T’es rentrée. Fatiguée ? Ouais, pas mal. Plutôt pas mal. Tu te projettes déjà dans - demain. Alors qu’aujourd’hui n’est pas finie ; t’essaies de voir comment… t’organiser, t’as trop de choses en tête, trop de choses, t’es pas sûre d’y arriver, tu sais plus si tu dois continuer de croire que. Tu peux tout assumer, tout ça, de front. Mais tu veux rien lâcher, alors il va bien falloir que tu y croies. Que tu t’en sentes capable. Que tu bouffes pas ton temps et que t’en profites quand même.
T’es rentrée. T’es rentrée pour - écrire. T’es rentrée parce que tu voulais t’isoler et balancer tes mots : quelque part. T’es rentrée parce que parler comme tu écris. C’est pas possible. T’as envie. T’as envie mais ; tu fléchis un peu, t’as envie mais tu te sens un peu… fébrile sur le coup. Tu sais pas trop. T’en parles. Tu passes ton temps à en parler, t’en parles, t’en parles, ça te bouffe. Toute ta matière grise ? Alors que non, toi t’as aussi d’autres choses ; en suspens. D’autres nécessités, d’autres éléments auxquels t’as besoin de te consacrer, pour toi. Et ça te bouffe ton énergie. D’en parler, d’en parler d’en parler d’en parler : en soirée, la journée, la nuit, bourrée, malade, au réveil, au repas, sans arrêt. Ta vie tourne pas - autour de ça. Pourtant. Y’a énormément. Mais non, ça reste le truc qui. Bouffe. Chasser ou être chassée, c’est bien ça – bouffer ou se faire croquer. Et là t’es en train de te faire sucer jusqu’à la moelle, alors évidemment t’essaies de. Te préserver, tu t’éloignes, tu t’isoles – tu rentres.
Tu te dis que t’aimerais bien qu’il lise par-dessus. Ton épaule. Lorgnant sur l’écran, te demandant sur quoi t’écris ; mais tu sais que tu aurais du mal à assumer. Assumer tes propres textes ; pourtant ils te ressemblent. Ils font partie de toi. Mais t’aurais du mal à. Ne pas te sentir gênée par ce regard pesant : c’est comme si tu posais tes tripes - sur la table…
Tu repenses au Premier Amour d’Amigorena ; t’aimerais la vivre comme ça, ton histoire. T’aimerais prolonger l’écrit. Sur le temps, le tactile, le sensuel. T’aimerais… t’offrir un monde, rien que ça. Ouais, des ambitions, t’en manques pas. Ce qu’il te manque, c’est le souffle. Tu as le souffle court, t’arrives plus à reprendre ta respiration, t’es en train d’étouffer. Et tu paniques. T’as mal. Surtout. Mal de ne plus être sûre d’être capable de. Alors qu’au fond tu sais. Tu sais mais tu crois pas.
Tu te demandes pourquoi tu t’écris à la deuxième personne. Tu dois être un peu. Schizo. Tu dois être en-dehors de toi-même : dissociée, et voilà le problème. Tu rêves enfin, tu cauchemardes beaucoup. Ces temps, on te poursuit, te coupe des membres, te drogue et te viole et te fait croire ensuite que tout ça est normal. Tu sais pas trop ? Tu penses que t’es en train de te faire bouffer, que c’est ça que ton inconscient te balance, qu’il te tire la sonnette d’alarme.
T’aimerais écrire à nouveau. Ecrire quelque chose de beau, écrire avec de beaux mots, écrire avec un rythme qui viendrait tout saisir. T’as pas le courage. Tu veux juste dormir, aller sous la douche et le sentir se glisser contre toi.
Commentaires :
Moi j'aime beaucoup cette deuxième personne. Je trouve qu'elle fait sentir le texte encore plus juste et qu'elle nous le transmet encore mieux. Enfin ça n'est que mon petit avis, minable sûrement.
"Ouais, des ambitions, t’en manques pas. Ce qu’il te manque, c’est le souffle. Tu as le souffle court, t’arrives plus à reprendre ta respiration, t’es en train d’étouffer. "Et puis ce passage, je l'aime beaucoup.
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Tu n'es surement pas la seule tripper, je pense. Il est peut-être juste trop expansif, peut-être parce que lui aussi sait mais n'y croit pas. En tout cas, je suis certain qu'il sera "là". Je pourrais dire qu'il faut foncer mais ce serait plutot à lui de te rassurer.
Et puis se parler à la deuxième personne, ce n'est pas très grave... Il parait qu'il y a des gens qui parlent d'eux à la troisième personne...