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D'où je viens

On n’est que des étrangers.

 

Bien sûr c’est un étranger, il m’connaît pas, il sait rien de ma vie, il m’a même pas vu grandir. C’est un de ces parents qui t’aiment à coups de billets, qui sont fiers de parler de ta réussite pour briller en société mais qui passent sous silence tes échecs, tes peurs, juste pour avoir encore le premier rôle dans leur groupe d’amis.

 

On n’est que des étrangers et pourtant, j’ai pas pu m’empêcher de fondre en larmes. Il est d’où je viens. Les valeurs qu’on m’a apprises, elles viennent de là aussi. Un vrai self-made man, parti de rien, de ses dix doigts et de sa bonne volonté, pas fait d’études et il finit avec un boulot d’ingénieur, une petite retraite paisible, un mois de vacances en Italie chaque année, un autre mois sur la côte belge. Peinard le bonhomme. Et regarde où il en est, il peut plus parler, même plus déglutir correctement. La dernière fois que je l’ai vu, il jouait encore au tennis. Putain de décalage.

 

Alors c’est certain, c’est qu’un étranger pour moi. On n’a jamais fait Noel ensemble.

 

Mais il est d’où je viens.

Un ancrage à ma terre. Même si je n’ai pas l’impression d’en avoir, même si ça n’est pas un lieu unique mais une multitude d’espaces et de temps.

Même si mon chez-moi, ça n’a jamais été que seule et ici.

 
 

J’me disais on n’est tous que des étrangers. Mon amoureux non plus il sait rien de moi, il sait pas d’où je viens, même s’il entraperçoit où je vais, et de la même façon je n’sais rien non plus. J’apprends deux trois choses, j’observe, j’écoute. Et même si on apprend toujours ce que l’autre veut cacher, ça ne reste jamais que la partie visible de l’iceberg.

Des étrangers. Des étrangers qui partagent le temps d’une parenthèse un hors temps prévisible. Démystifiée, démythifiée, la magie de l’histoire prend vite du plomb dans l’aile. J’me demande comment on fait pour négocier avec le passé, puisqu’il est déjà derrière. Je ne sais pas jusqu’où on peut faire avec. Où est la limite du tolérable, quand on parle de nos casseroles, la limite de ce qu’on peut accepter, tolérer, supporter.

 

C’est le jeu, je crois. On commence à être avec quelqu’un, à se partager, à jouer un peu plus que sa peau. On mise un peu plus que le corps, et petit à petit on dit d’où on vient, et les histoires individuelles le deviennent de moins en moins. J’avais tendance à penser que peu importe, peu importent les cahots et les aléas d’un avant, puisqu’ il y a l’estampille « à venir » sur toutes les histoires qui débutent. Mais ça n’est jamais si simple.

 

Il me disait vu leur histoire, vu leurs histoires c’est normal, quand t’as dû apprendre très tôt à te démerder tout seul tu prends du caractère. J’ai toujours cru que crier plus fort que les autres loin d’être une preuve de caractère, n’était qu’un aveu de sa propre faiblesse, un genre de regarde comme j’ai plus rien à perdre. J’me revoyais et je me disais j’ai toujours été trop mesurée, trop réfléchie, j’aimerais bien m’hurler dessus de temps en temps, lâcher une seconde, arrêter de toujours tout retenir, mesurer, contrôler.

 

Mes amis sont en couple, attendent un enfant, construisent. On en est tous plus ou moins là, et c’est flippant. Petite, j’ai toujours voulu grandir, savoir ce que ça serait, après, j’ai toujours cru que tout irait mieux ; j’avais omis que grandir, c’est seulement se ramasser la gueule et se relever, à chaque fois. J’avais pas réalisé que grandir, c’est porter les marques de toutes ces vautres, et continuer ; que c’est porter en soi toutes les ébauches d’un autre soi possible que l’on n’a pas choisi d’être, et devoir faire avec.

J’avais pas réalisé qu’un jour, je serai . Et que je saurais pas comment en parler.


Ecrit par Perfect-plank, le Lundi 11 Octobre 2010, 12:51 dans la rubrique Actualités.


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